19/04/2015 – Peut-on comparer les fouilles archéologiques et l’investigation incendie? Oui, sans nul doute! Comme nous le pratiquons par exemple chez Ignicité, il est possible de s’inspirer de la méthode scientifique française utilisée en archéologie et de celle développée dans la NFPA 921 américaine qui donne un cadre à l’expertise incendie…
L’archéologie, qui a pour but d’analyser et d’interpréter les vestiges de civilisations humaines, peut se faire par sondages (pour délimiter une zone), sous forme de fouilles prospectives (non destructrices) ou organisée en fouilles programmées (irrémédiables).
La démarche archéologique passe par plusieurs phases scientifiques obligatoires et chronologiques. Elle est fondée sur le principe de la rétro-action : les fouilles sur le terrain sont réorientées en fonction des découvertes mais aussi des résultats des analyses, et leur interprétation peut faire évoluer les techniques de fouilles.
La démarche est orientée soit sur une méthode de fouille stratigraphique (étude des différentes couches géologiques et d’artefacts humains), soit sur une méthode de fouille horizontale (analyse détaillée d’une strate en particulier).
Les techniques de fouilles, c’est-à-dire la mise en œuvre sur le terrain, sont très différentes s’il s’agit du milieu terrestre (décapage à la pelle mécanique, fouille à la pelle ou la pioche, à la truelle, par tamisage, en laboratoire sur bloc prélevé avec des outils de précision) ou du milieu subaquatique (fouille au scaphandre autonome, en caisson étanche avec palplanches).
L’analyse et l’interprétation des données archéologiques peuvent parfois être complétées par l’expérimentation ou la reconstitution grandeur nature.
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L’investigation post-incendie, qui consiste à rechercher le point d’origine, analyser l’éclosion et le développement du feu et démontrer la propagation d’un incendie ou d’une explosion, présente de nombreuses similitudes avec la démarche et les techniques de fouilles utilisées en archéologie.
La démarche préconisée dans la guide référentiel NFPA 921 (National Fire Protection Association) est tout aussi scientifique et argumentée, et s’appuie sur le principe de rétro-action. Cela permet de donner un rythme à l’investigation incendie et d’approfondir les connaissances en fonction de l’enquête.
L’hypothèse la plus probable (plus que possible) ne sera proposée que si elle a été évaluée, puis validée.
Les techniques de fouilles dans l’investigation incendie se rapprochent plutôt d’une fouille type horizontale. Le but est de comprendre la chronologie des événements pour retracer la marche des flammes, c’est-à-dire la cinétique de l’incendie et son mode de propagation.
Un carroyage peut être mis en place dans une pièce, comme nous l’avons fait par exemple ici dans un bâtiment public en Sarthe. Cette technique de fouille doit également être utilisée autour d’une victime pour effectuer l’observation la plus fine possible et n’omettre aucune trace ni aucun prélèvement.
Par ailleurs, le marquage des indices de la scène incendie peut se faire avec des cavaliers (chiffres ou lettres), comme en criminalistique sur une scène de crime ou comme en archéologie pour le classement des vestiges et des artefacts.
Cette phase de l’investigation incendie et la maîtrise de ces techniques de fouilles raisonnées sont essentielles. Elles nécessitent d’être réalisées de façon aussi rigoureuse que les autres étapes de la démarche. La suite de l’expertise incendie va dépendre en grande partie de la qualité de la méthode appliquée sur le terrain, et de l’analyse qui peut en découler.
C’est une technique à part entière, qui doit être apprise, pratiquée et maîtrisée comme peut l’être l’archéologie (enseigner à l’université).
Grâce à huit années d’utilisation de la démarche scientifique universitaire et des techniques de fouille archéologiques,
nous pouvons aujourd’hui, au sein d’IGNICITÉ, mettre à profit cette expérience dans l’investigation post-incendie,
et proposer une approche rigoureuse lors d’une expertise.
Cet exemple illustre l’idée que la transversalité des domaines est non seulement possible,
mais qu’elle est essentielle et toujours très riche d’enseignements.